Réglementation : LES ACCOMMODEMENTS AVEC LE BON DIEU, par François Leclerc

Billet invité.

Les plus hautes autorités européennes savent y faire quand cela les arrange. L’Eurogroupe a absout hier les dirigeants italiens pour leur contournement du principe de base de l’Union bancaire, et la Commission cherche à ce que ses futurs accords commerciaux soient adoptés sans coup férir.

Une parade a été trouvée afin d’éviter la répétition de triste mémoire du rejet de l’accord avec le Canada (CETA) par la région Wallonne, qui a finalement été adopté. Il suffirait que les futurs accords passés par la Commission au nom des États membres ne comportent pas de volet portant sur les investissements, et donc sur leur protection. Dans ces conditions, ils ne seraient pas qualifiés de mixtes et n’auraient plus besoin d’être ratifiés par les parlements nationaux, devenant de la compétence exclusive de la Commission. Ainsi fait, la mise en œuvre de tribunaux d’arbitrages très contestés ne devrait plus faire obstacle. Si ce projet voit le jour, ceux qui constatent un déficit démocratique dans le fonctionnement de l’Europe et proposent d’y remédier en seraient alors pour leurs frais.

Hier, les autorités italiennes n’ont pas encouru les foudres de l’Eurogroupe pour les mesures de recapitalisation par précaution et de liquidation de leurs banques en détresse, qui impliquent 24 milliards d’euros de fonds publics. Interrogé par la presse pour savoir si cela respectait l’esprit des nouvelles règles européennes de l’Union bancaire, son président Jeroen Dijsselbloem, a préféré botter en touche en parlant d’ajustement à venir des règles nationales en matière d’aide de l’État et de droit des faillites, qui ne sont pas homogènes d’un pays à l’autre. Mais, nécessité faisant loi dans la forme et dans l’esprit, Wolfgang Schäuble, dont c’était la 95ème réunion de l’Eurogroupe, a été droit au but en déclarant que « l’Italie s’est finalement bien sortie d’une situation difficile ». Si c’est lui qui le dit !

Ce n’est que le début d’un processus qui va devoir s’attaquer à la masse des prêts non performants (les NPL) que l’on trouve « dans de nombreux États membres, qui font obstacle à la croissance économique et peuvent être à l’origine de conséquences risquées dans le système financier de l’Union européenne », comme l’a souligné Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission.

Les ministres des finances des 28 vont adopter aujourd’hui un plan d’action afin de s’attaquer à ce problème laissé en suspens. La création de bad banks serait à terme la solution en vue, à condition qu’elles soient strictement nationales afin de ne pas impliquer de mutualisation des pertes. Pour ne pas déstabiliser les banques, celles-ci céderaient leurs actifs douteux à leur « valeur économique », à charge pour les bad banks d’endosser les pertes en les vendant à des fonds vautour à leur « valeur de marché ». Pour parfaire le dispositif, ces mêmes bad banks seraient adossées à des fonds publics… On comprend mieux, si le projet dont la description a fuité voit le jour, la compréhension manifestée à l’égard du gouvernement italien par les plus éminents membres de l’Eurogroupe qui ne veulent pas remuer la vase.

Ce plan ne verrait le jour qu’une fois conclue une consultation publique sur les NPL destinée à faire murir le dispositif, fin octobre prochain, sur laquelle l’accent va être mis dans l’immédiat.